Il aura suffi de la visite de Fabien, son mari, dans son atelier, pour que Noah reconnaisse combien elle se sent à l´étroit, coincée dans son couple, bloquée dans son travail, prête à éclater, et qu´elle ait envie de faire voler en éclats la coquille paisible de sa vie, ce petit bunker où elle se croyait à l´abri. Enfermée dans ce même atelier, un soir de pluie, Noah se souvient. Qui a jamais eu une enfance aussi merveilleusement libre que la sienne ? Elle, la petite Blanche, sillonnait Dakar à sa guise, avec sa bande de gosses des rues qui la croyaient des leurs. Elle était la mascotte des artisans de la ville, mécaniciens, ferblantiers : c´est dans leurs échoppes qu´elle a appris son métier d´artiste.
Depuis l´âge adulte, pourtant, elle tient l´Afrique à distance, tel un tabou, un sortilège, quelque chose qu´il ne faut évoquer sous aucun prétexte. Quels souvenirs terribles enfouis au fond de sa mémoire l´empêchent d´avancer ? Ce soir, Noah va affronter le passé. Elle s´autorise enfin à revisiter son enfance idéalisée, à remettre en cause son éducation : ses parents faisaient joujou avec sa vie, comme pour ajouter des chapitres à la leur. Voilà comment, avec les meilleures intentions du monde, vos géniteurs peuvent vous étouffer dans l´oeuf. Voilà comment les souvenirs d´une enfance trop flamboyante peuvent empoisonner le présent et réduire les chances du bonheur.