Où en est le Québec d'aujourd'hui? Regroupés sous le thème « Visages et perceptions du Québec », cette édition estivale de Nuit blanche fait la part belle à dix essais parus récemment et qui abordent, de près ou de loin, la question identitaire et de l'indépendantisme dans la belle province. Le lumineux essai d'Yvon Rivard intitulé Aimer, enseigner est à l'honneur dans un commentaire critique de Jean-Paul Beaumier tandis qu'Andrée Ferretti nous fait part de sa lecture de La passion suspendue, un recueil d'entretiens réalisés par Leopoldina Pallotta della Torre avec la grande Marguerite Duras. À découvrir aussi, « les deux pôles » d'Herman Hesse selon Roland Bourneuf et la chronique « Le livre jamais lu » signée par Francine Allard.
En couverture, la célèbre Vague de Hokusai propose une incursion dans le Japon actuel et passé. Vincent Thibault, dans « Passerelles et possibles », célèbre le grand Haruki Murakami avec son regard de jeune écrivain ayant séjourné au Japon. De même, Mille automnes de Jacob de Zoet de Simon Roy évoque le Japon absolument fascinant d'une autre époque tel que dépeint par David Mitchell. Deux articles sont consacrés à l'écrivain et traducteur franco-ontarien Daniel Poliquin et François Ouellet présente son admirable dernier-né, L'historien de rien. À lire aussi : un texte d'Élisabeth Vonarburg qui se prête au jeu du « Livre jamais lu » ainsi qu'un article sur la vie et l'oeuvre du poète d'origine acadienne Fredric Gary Comeau.
« Doubles, pseudos et caméléons », voilà le titre du dossier spécial que propose Nuit blanche à l'occasion de la 5e édition du festival Québec en toutes lettres. On s'intéresse à la fabrication d'identités fictives dans l'histoire littéraire, notamment au caméléonesque Romain Gary, mais aussi aux thèmes du double et de la réinvention de soi chez nos contemporains écrivains. Hors dossier, Laurent Laplante commente le premier tome des Chroniques politiques de René Lévesque; Paul Renard tire de l'oubli André Obey (1892-1975), auteur de quatre romans, dont Le joueur de triangle; et David Lonergan nous fait découvrir l'oeuvre de l'Acadien Claude Le Bouthillier.
Paru le même jour que la tuerie de Charlie Hebdo, Soumission de Michel Houellebecq a fait couler beaucoup d'encre. Si l'écrivain « n'est pas un bon romancier », il est néanmoins « un penseur d'une rare efficacité » ayant « le don d'illustrer, de vulgariser les malaises de notre temps » nous dit François Ouellet qui a analysé l'ouvrage pour nous. En complément, Marie-Ève Pilote se penche sur Houellebecq économiste, un essai de Bernard Maris paru fin 2014 dénonçant l'économie comme idéologie et montrant les « vertus éclairantes de la littérature ». En entrevue, la romancière et professeure au collégial Roxanne Bouchard (en une), qui s'évertue à faire tomber ses étudiants en amour avec la littérature québécoise. Denise Bombardier, aussi interviewée pour ce numéro, nous fait découvrir son Dictionnaire amoureux du Québec.
Que VLB adore fréquenter les habitués des sommets, la preuve en est établie. Nietzsche faisait antichambre en attendant son tour. Laurent Laplante nous livre ses commentaires de lecture sur ce « non-livre » de près de 1400 pages dans lequel VLB déploie une liberté créatrice quasi-totale, fusionnant fiction et réalité, abolissant l'autobiographie connue pour retoucher le récit de son parcours et usant d'un humour qui ne doit rien à Zarathoustra. Le dossier de cette édition porte sur les romans et les essais témoignant des grands conflits de l'Histoire, de la Première Guerre mondiale à la guerre au terrorisme et au djihadisme, en passant par le nazisme. Ailleurs dans la revue, la chronique consacrée aux écrivains franco-canadiens dresse le portrait du franco-manitobain J.R. Léveillé, auteur d'une trentaine d'oeuvres diversifiées et exigeantes, et Diane Vincent nous parle de Dante, son écrivain jamais lu.
Ce numéro fait place à Gérard Leblanc, figure marquante de l'Acadie moderne et dont l'oeuvre, dix ans après sa mort, reste plus que jamais vivante. Ayant consacré tout son temps à l'écriture, à la sienne et à celle des auteurs des éditions Perce-Neige de Moncton, il a contribué à l'émergence d'une parole originale, propre à l'Acadie. Cette édition nous fait aussi découvrir le troublant parcours de l'écrivaine sicilienne Goliarda Sapienza (en couverture), nous offre une entrevue avec le romancier Gilles Jobidon, dont vient de paraître La petite B, et pose un regard renouvelé sur le « poète militant » Aragon. Les critiques du premier roman de Dominique Scali, À la recherche de New Babylon, finaliste au prix du Gouverneur général, de la trilogie MaddAddam de Margaret Atwood et du travail de Janine Tessier dans Les rescapés de Berlin sont aussi au sommaire.
« Grâce au livre, un peuple prend possession de son cheminement », écrit Laurent Laplante en ouverture du dossier « Un peuple et son rêve ». À travers une sélection d'ouvrages, dont certains sont parus dans la foulée du vingtième anniversaire du référendum de 1995, Nuit blanche recense les avancées, les défis, les gloires et les défaites d'un projet pour l'heure inachevé. En couverture, Hérménégilde Chiasson, surtout connu au Québec comme poète, comme ancien lieutenant-gouverneur du Nouveau-Brunswick ou encore pour ses créations en arts visuels. Mais c'est l'itinéraire du Chiasson dramaturge (Des nouvelles de Copenhague, Le Christ est apparu au Gun Club, Aliénor...) que ce numéro nous propose de parcourir.
Le gagnant du Prix du Gouverneur général 2015 pour son roman Six degrés de liberté, Nicolas Dickner, est en une de ce numéro de printemps. Nuit blanche a rencontré pour nous le romancier un peu nerd, plutôt obsessionnel cérébral, passionné par les sciences et les techniques, les sujets pointus... comme ses héros. Ce numéro est aussi l'occasion d'en savoir plus sur une autre oeuvre primée par le Gouverneur général en 2015, soit Honoré Beaugrand de Jean-Philippe Warren. L'essai de Micheline Lanctôt, Lettres à une jeune cinéaste, ainsi que la biographie d'Hector de Saint-Denys Garneau écrite par Michel Biron sont aussi au sommaire. La rubrique « Écrivains franco-canadiens » met à l'honneur la carrière de Marguerite Andersen, cette grande dame des lettres franco-ontariennes arrivée tardivement à l'écriture de fiction, son premier roman ayant été publié alors qu'elle avait près de 60 ans.