Le premier roman de Thomas Mann, Les Buddenbrook, longtemps considéré comme un excellent exemple de roman de la décadence avec tout ce qui s'ensuit : réalisme, naturalisme... présente, en fait, l'éventail des leitmotive de l'oeuvre toute entière et permet ainsi une approche de l'imaginaire mannien.
Manifeste dans Joseph, la figure mythique est aussi prégnante dans le roman de Thomas Mann : Les Confessions du chevalier d'industrie Félix Krull, roman picaresque hermésien, c'est-à-dire que le héros, aux trente-six métiers..., reste fidèle à des valeurs auxquelles il ne renonce jamais, contrairement à des donneurs de leçons qui font profession de mépriser celui qu'ils désignent par le nom péjoratif, à les en croire, de "marginal".
Les grandes fresques littéraires représentant le peuple en mouvement nous offrent des illustrations saisissantes de la notion de peuple. C'est le moment de vérifier que l'imaginaire entre pour une bonne part dans le domaine du politique. Les figures du Pouvoir obligent à remonter loin dans le temps et à se poser la question de l'origine de l'Histoire, et particulièrement, le passage de la tribu à la Cité.
Ce qui domine dans le roman de Mirbeau, Le Calvaire, c'est moins le désaccord d'un couple que les affres d'un écrivain pris dans les rets d'une mangeuse d'hommes. La tragédie de l'amour, l'écrivain la situe dans le cadre d'une histoire à portée sociale à laquelle il donne une dimension historique, démythifiant l'armée et la guerre, qui ont fait tant de mal à son héros... et à lui-même.
Cet ouvrage s'attache à relever et analyser le réinvestissement mythique dans l'oeuvre d'Alain Fournier, ce qui suppose la production d'un récit qui s'apparente aux transmissions orales. En annexe, une compilation d'écrits sur les accusations de plagiat, les goûts littéraires d' Alain-Fournier d'après ses lettres; des études sur ses affinités avec Eugène Fromentin, Charles-Louis Philippe et Marcel Proust.
Hermann Hesse insiste sur le fait que le genre de littérature qu'il pratique ne connaît guère de travail rationnel qui dépendrait de la seule volonté. Un romancier averti, comme Hesse, reconnaît volontiers qu'il écrit en partie sous la dictée de l'inconscient. Une nouvelle oeuvre commence à naître au moment où se profile une figure prégnante qui peut devenir le symbole et le dépositaire de ses expériences, de ses pensées, de ses problèmes, ainsi que de ses larmes...
Hermann Hesse, en 1955, fait observer que la notion même de nouvelle implique la participation de l'extraordinaire, du supra-quotidien. L'auteur ne voit-il pas constamment interpellé par quelque chose qui se dégage des forces primitives contenues dans la langue ? Hesse a eu pour analyste le docteur Lang, disciple de Jung, qui lui a appris à descendre dans les profondeurs de son âme.
A travers des extraits de onze oeuvres de Gérard de Nerval, Claude Herzfeld commente, analyse pour mettre en exergue cette pensée: exprimée en vers ou en prose, la poésie nervalienne est l'expérience vécue par l'auteur. Le songe transforme la vie réelle comme les souvenirs. Le passé individuel correspond à celui de l'humanité. C'est ainsi que tout devient signe et symbole.
Thomas Mann est l'un de ceux qui, avec Nietzsche, ont oeuvré à la restauration du mythe. Sa tétralogie biblique est là pour l'attester. Latentes ou manifestes (Hermès, Perceval...), elles sont prégnantes dans La Mort à Venise ou La Montagne magique. L'auteur, spécialiste de Goethe, oppose au Prince des Ténèbres l'Enfant Echo dont le visage est si lumineux qu'il éclaire l'ensemble de l'oeuvre.
C'est notre écho que les choses nous renvoient. Il y a interférence entre l'homme et l'animalité. Selon Mirbeau, "il y a quelque chose de plus attirant que la beauté : c'est la pourriture". Cette esthétique de la "beauté du laid", Mirbeau ne l'a pas inventée, mais, par son traitement du langage, conjoignant le terrible et le grotesque, Mirbeau nous invite à "regarder Méduse en face", en particulier le monstre social.
Préférences médiévales : la Fée, le Chevalier, le Graal... Réinvestissement d'un mythe, celui de Perceval. Remonter aux contes médiévaux et jusqu'aux archétypes indo-européens, c'est atteindre les structures fondamentales de l'imaginaire et instaurer ainsi un "climat" qui ne cesse de solliciter l'imagination du lecteur. Gracq et les surréalistes renouent avec une tradition pour laquelle la soif de révélation l'emporte sur celle de la vérité.
Meaulnes, le "grand", qui projette "sur le mur son ombre gigantesque", est-il une figure mythique ? Il est possible de voir en lui un avatar d'Hermès Trismégiste, le "trois fois grand", celui que Jung a mixé à partir de plusieurs Hermès, parmi lesquels le dieu-enfant et le médiateur que réincarne 'l'Enfant blonde" fourniérienne qui détient la puissance du minuscule. Tout autant grand que petit, Hermès conjoint les opposés. Le roman n'échappe pas à la guerre que se livre les dieux à l'intérieur de la société et de nous-mêmes. Leurs figures mythiques sont aussi prégnantes dans les oeuvres de Mirbeau, Charles-Louis Philippe, Hermann Hesse...
Les auteurs qu'affectionne Charles-Louis Philippe, Nietzsche et Dostoïevski, disent le désenchantement provoqué par l'abandon de l'onirisme scientifique. Si Philippe exalte "l'homme fort", il participe cependant à la "révolution par les humbles", qui fait une large place aux images de l'intimité, à l'enjolivement, à la "raréfaction", et qui remet ainsi en question les habitudes de penser du classicisme romanesque. Les mythologies de la Décadence apparaissent comme un déchirement sans lequel une culture ne peut se maintenir. De ce déchirement, l'oeuvre de Philippe porte témoignage.
L'écrivain immobilise des instants privilégiés dans lesquels le temps est retrouvé, souvenir proustien ou minutie flaubertienne. Les structures de l'imaginaire sont à l'origine d'une importante catégorie de moyens d'expression : l'enjolivement et la miniaturisation annoncent l'antiphrase. L'enquête de Claude Herzfeld explore la valeur humaine de ces espaces de possession.
Nous avons tendance à voir de la misanthropie chez ceux qui ont encore le courage de dire à l'humanité ses quatre vérités. Et Hyvernaud n'y va pas de main morte ! Pourtant, le contempteur de nos moeurs et coutumes ne joue pas au donneur de leçons. A la différence de ses contemporains, il a tiré, de la captivité, un certain nombre de leçons. Mais l'autodérision, toujours présente, est bien propre à nous assurer du caractère profondément fraternel du "message".
A l'oeuvre de Jean Rouaud semble s'appliquer l'expression qui sert de titre à l'un des ouvrages de Maeterlinck : "trésor des humbles". Dans Pour vos cadeaux, le narrateur nous dit de sa mère qu'elle a pris "une fois pour toutes le parti des humbles", des plus modestes. Elle participe, à sa façon, à cette "révolution par les humbles" dont parle Gilbert Durand. Et Jean Rouaud déclare : "J'ai trouvé insupportable qu'on parle avec mépris de petites ou de moyennes gens. Il y a une ligne de l'intolérable à ne pas dépasser qui s'appelle la dignité humaine" (Le Monde, 1er octobre 1990).
Ayant prononcé ses voeux dans l'Eglise stalinienne, Nizan a bien mérité de l'orthodoxie totalitaire. Il reste qu'il n'a pu s'empêcher, pour le plus grand plaisir du lecteur, d'être écrivain. La seule ambition de ce petit livre est de dire l'oeuvre de Nizan mérite de survivre. Littéraire, elle a, bien entendu, partie liée avec l'imaginaire.
La figure mythique manifeste de Prométhée, si prégnante chez les bateleurs du Progrès, peut en cacher une autre, latente.
Pourquoi une oeuvre nous émeut-elle ? Rendre le lecteur conscient de la présence de figures endormies dans son propre imaginaire, telle est l'ambition de cet ouvrage. La question du sens surgit à chaque moment de la vie : l'homme passe à travers des forêts de symboles. Le recours aux structures fondamentales de l'imaginaire permet de déceler les images par lesquelles se manifeste l'archétype. Pour ce qui concerne "Le Grand Meaulnes", l'archétype "raconté" est alors le mythe de l'Eden perdu, le Pays sans nom.